Entretien avec Julien, fondateur d’Abricotoit. Julien évoque l’activité de sa société ainsi que son parcours.
Bonjour Julien, pourrais-tu décrire en quelques mots ce qu’est Abricotoit ?
Abricotoit est une entreprise dont l’objectif est de valoriser des espaces inexploités en ville, qu’il s’agisse d’espaces au sol ou bien de toitures. L’idée est de rendre ces espaces viables, avec du végétal utile. Je mets en avant ce terme « d’utile ». Ce n’est pas que pour le côté décoratif que je travaille mais plutôt dans une volonté de réaliser quelque chose de productif, à des fins alimentaires dans la majorité des cas mais aussi par exemple pour la production de fleurs (coupe pour des bouquets).
L’entreprise est situé à Marseille aujourd’hui ?
J’ai créé la structure à Marseille il y a 2-3 ans. Les premiers sites sont donc à Marseille mais depuis 1 an et demi je suis aussi à Paris et quelques autres sites.
Combien êtes-vous à travailler chez Abricotoit ?
On est « un » sur Marseille (je travaille seul). A Paris je travaille avec une autre structure avec laquelle je suis en partenariat. Il s’agit d’une société spécialisée dans l’agriculture urbaine et l’hydroponie.
A Marseille j’ai un site productif que je dois contrôler régulièrement. Ensuite il y a souvent des particuliers qui sont intéressés par des aménagements et pour lesquels je réalise des interventions et du suivi pour vérifier que l’évolution du site est convenable. Le but est d’arriver à leur donner tous les outils pour qu’ils puissent suivre les productions de façon autonome sur du long terme. Au départ je réalise l’aménagement et l’installation. Il s’établit toujours un échange avec eux. Je n’arrive pas avec un kit tout fait. Il y a une vraie réflexion avec eux sur leurs envies, les contraintes du lieu, etc. Le but est d’apporter le résultat le plus adéquat au site. Abricotoit intervient donc surtout sur du conseil. En parallèle de cette activité, Abricotoit a noué un partenariat avec une brasserie Bio. Nous cultivons du houblon à Marseille chez des habitants que nous utilisons pour brasser des bières.
Pourquoi avoir décidé de vous développer à Paris, en plus de Marseille ?
Les rentrées d’argent sont très très faibles à Marseille : depuis que j’y ai lancé l’activité, le développement est lent. A Paris il y a une demande et un besoin plus important. Il y a 5 à 10 ans d’avance à Paris en termes d’agriculture urbaine. Du coup je me rémunère sur la partie Conseil, c’est comme de l’ingénierie en quelque sorte. Il s’agit d’apporter une solution spécifique sur un site donné. Je fais aussi de l’aménagement. Il y a également un troisième volet : l’entretien des espaces. Un de mes clients est un restaurateur que j’accompagne sur l’entretien régulier et la rotation des cultures (suivi des maladies, récolte, etc).
Quels types de culture réalisez-vous le plus souvent avec Abricotoit ?
C’est vraiment en fonction du site et des contraintes. Le but est de ne pas arriver chez les habitants et imposer un type de plante. Non, notre objectif est vraiment de partir avec les contraintes du site et de voir les plantes qui peuvent s’adapter en fonction des contraintes. Le houblon par exemple pousse très bien dans notre région, après avoir sélectionné seulement 4 variétés sur les 250 répertoriées. Nous avons essayé du tabac également. Les plantes aromatiques se développent également très bien par ici. Cette année, nous avons essayé les légumes racines dans un restaurant. Cela marche bien avec notre climat méditerranéen. C’est un climat qui a tendance à sécher les plantes avec le faible taux d’humidité et la présence du Mistral (fort vents).
Quel est ton parcours professionnel ?
Au départ j’ai un Doctorat en Biotechnologies Végétales. J’ai travaillé sur l’identification d’une molécule qui permet à la plante d’être protégée en cas d’excès de lumière. A la fin du Doctorat j’ai souhaité travailler dans un domaine plus applicatif. Ce que je faisais était très théorique malgré les nombreuses manips. C’est un peu ça qui m’a donné envie de me lancer, l’envie de faire quelque chose de plus concret.
Quelles sont les perspectives de développement d’Abricotoit ?
Depuis que j’ai créé la société, l’idée de départ a beaucoup évolué. Il s’agissait au début de toucher les gens de quartier pour leur redonner une sorte d’autonomie alimentaire. Je me suis rendu compte que c’était compliqué à mettre en place car cela ça dépendait des prometteurs, bailleurs sociaux, …. Je m’aperçois encore aujourd’hui que c’est vraiment chez les clients (restaurateur ou certains particuliers) qu’il y a un vrai retour positif . Cela a réorienté ma réflexion de départ. Mais depuis le début il y a toujours eu une place importante pour le côté pédagogie et sensibilisation dans mon activité. Et les gens ont envie de cela, d’en savoir plus sur l’environnement qui les entoure. Je fais de l’agriculture mais aussi de l’humain pour sensibiliser les gens aux nouvelles façons de consommer. Je prends un exemple avec le programme Houblon Urbain Marseillais. Des personnes m’ont envoyé des photos de plantes avec des petites taches vertes et m’ont demandé ce que c’était. C’était simplement des pucerons en train d’attaquer la plante. Cela a donné lieu à une discussion autour des luttes biologiques pour résoudre le problème. Maintenant les participants à cette discussion se prêtent les produits entre voisins. D’où le côté pédagogique et relationnel.
Pour conclure, y a-t-il un sujet que l’on n’a pas abordé et qui caractérise Abricotoit ?
Le doctorat m’a permis d’acquérir toutes les compétences sur la gestion de projet , sur la partie végétale, et sur la réflexion entre les échanges entre différents systèmes, entre les végétaux et les insectes. En revanche, sur la partie création d’entreprises, c’est quelque chose que je n’avais pas. J’ai participé à un accompagnement pendant 6 mois à Marseille via une association. L’association regroupait une trentaine de porteurs de projet pendant 6 mois. L’accompagnement a été très complet. C’est là que j’ai rencontré un autre porteur de projet : celui avec qui je travaille aujourd’hui dans l’association Houblon Urbain Marseillais. C’est cela qui m’a énormément plu : l’interaction humaine, la rencontre avec toutes ces personnes, et cela toujours dans cette sphère d’économie sociale et solidaire. Ce qui m’a plu c’est le côté humain de la création d’une structure.