Entretien avec Anthony Bugeat, CEO d’AXIOMA. Anthony explique l’origine et les objectifs de sa société, et nous raconte son parcours d’entrepreneur.
Bonjour Anthony, pourrais-tu décrire en quelques mots AXIOMA (date de création, objectifs, équipe, …) ?
J’ai créé AXIOMA en novembre 2012. L’idée est née d’une rencontre avec un vétérinaire qui avait réalisé des travaux de recherche sur des mélanges d’extraits de plantes pour réduire les besoins en antibiotiques dans l’élevage. En observant des vaches dans une pâture, il s’est rendu compte qu’en fonction de la diversité des plantes ingérées, les vaches étaient plus ou moins sensibles aux différents stress qui engendraient habituellement des baisses de rendements ou des fragilités sanitaires. Le postulat était fait, il fallait utiliser les plantes pour accompagner le bien être des animaux.
En 2012, j’ai découvert ses travaux et je décidais de les reprendre pour lancer une entreprise ayant pour objectif de poursuivre et densifier ses travaux. J’ai alors engagé des partenariats publics et privés pour améliorer les formulations. L’objectif était de démontrer l’efficacité et l’innocuité de nos produits. En 2015, les formulations fonctionnaient sur quasiment tout type de cultures.
En 2016, je me suis dit qu’il fallait accélérer le développement de l’entreprise. Pour cela, j’ai décidé d’ouvrir mon capital (une levée de 500k€ en dilutif). Grâce à cette levée, je suis parvenu à obtenir des avances remboursables auprès de la BPI et de mes partenaires bancaires. Cet argent m’a permis de lancer de nouveaux tests en conditions réelles ainsi qu’en conditions controlées. Nous avons également pu engager un processus « commercial » pour développer l’activité avec des coopératives et des négoces. Il a fallu que l’on donne confiance à ces acteurs car ces derniers sont très sollicités. En réalisant des preuves de concept en plein champ en plus des expérimentations en laboratoire, nous avons apporté les éléments permettant de valider certains accords de distribution. Cependant, le calendrier est long. Ces tests ont duré toute l’année 2017, et se poursuivent sur 2018. Notre objectif est désormais de conclure des accords annuels avec ces distributeurs.
Il y a donc eu un important travail de recherche avant de pouvoir commercialiser des produits ?
AXIOMA a réalisé un énorme travail de R&D et qui continue bien sûr toujours. Notre métier c’est la R&D. Depuis la conception des formulations jusqu’à la fabrication des produits. L’idée est de ne pas s’opposer aux acteurs de la filière mais plutôt de les former et les accompagner dans la transition agricole.
Ce que l’on veut faire chez AXIOMA, c’est créer un e agriculture performante et durable. Pour cela l’agriculture dite conventionnelle doit évoluer et réduire l’utilisation d’intrants de synthèse. C’est une vraie demande du consommateur. Ici, nous considérons que les négoces et coopératives ont un rôle à jouer afin de transmettre ces conseils à leurs adhérents et clients.
Les agriculteurs manquent souvent de conseil sur les innovations qui existent aujourd’hui mais également de choix car ils suivent souvent les préconisations habituelles sans s’inquiéter. La problématique des nombreuses alternatives naturelles présentes à ce jour réside dans un trop grand niveau de promesse au moment de la vente. Les agriculteurs sont donc souvent déçus quand ils constatent les résultats de la récolte.
Notre souhait chez AXIOMA est de ne pas « vendre pour vendre »; Les agriculteurs sont déjà trop sollicités. Le risque est qu’ils se disent : « encore un truc nouveau qui ne va pas fonctionner ». Nous avons donc choisi de travailler avec des partenaires comme des marques alimentaires qui ont besoin de changer leur cahier des charges. En redescendant dans la chaîne de valeur, ces partenaires vont aussi nous aider à inciter les coopératives à convaincre l’agriculteur de l’intérêt de nos produits.
Nous faisons tout en interne, de la conception à la fabrication. Dans l’état actuel de notre outil de fabrication, nous pouvons tripler les volumes sans problème. Nous générons environ 400keuros de chiffres d’affaires annuel. Jusqu’à 1 million d’euros de chiffres d’affaires, nous n’avons pas besoin de changer d’usine. Etant donné l’accélération de notre activité et les contrats en cours de négociation, j’imagine déjà les discussions que l’on pourrait avoir prochainement afin d’intégrer une nouvelle usine dés 2020.
Est-ce que le vétérinaire qui avait travaillé sur les premiers travaux est toujours présent dans l’entreprise ?
Le vétérinaire ne fait pas parti des effectifs d’AXIOMA. Il est cependant très content que je poursuive ses travaux. Dans les années 1980/90, ses travaux étaient très innovants, constructifs et créatifs mais énormément basés sur des observations de terrain. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde de « données » et il nous a fallu investir dans des partenariats avec des laboratoires agréés et des industriels qui allaient partager / donner ces données brutes. Comme tout investissement, cela coute de l’argent et du temps bien sûr.
Est-ce qu’AXIOMA possède des certifications pour mener à bien son activité ?
Nous sommes engagés dans la certification UAB (agrément Agriculture Biologique.) qui contrôle régulièrement la traçabilité de nos matières premières, nos procédés de fabrication ainsi que nos produits finies. Nous faisons tracer l’ensemble de nos matières premières. Nous savons par exemple à quel endroit les plantes ont été cueillies, à quelle heure et par qui. Nos produits finis entrent dans le cadre de normes françaises et européennes mais nous engageons en 2018 des AMM spécifiques.
Pourrais-tu dire quelques mots sur la concurrence d’AXIOMA ?
Il y a beaucoup de produits et donc de concurrents. Notamment des produits qui vont avoir comme objectif la réduction de la quantité d’intrants utilisés par les agriculteurs. Parmi ces technologies, il y a notamment celles qui fonctionnent par apport de micro-organismes. Ces micro-organismes représentent environ 75% des « bio-alternatives » qui existent sur le marché. Malheureusement, lorsqu’un sol subit une attaque fongique, l’agriculteur va appliquer un traitement fongicide qui va détruire ces micro-organismes. C’est un problème important pour ce type de solutions mais elles restent intéressantes dan certains cas.
De notre côté, nous travaillons avec des extraits de plantes qui fonctionnent sur n’importe quel type sol et dans n’importe quelle condition de stress abiotique. Cela marche partout. Nous nous sommes rendus compte dans le cadre d’un essai avec une coopérative que si, au lieu d’utiliser une pleine dose de fongicide nous mélangions une demi-dose de ce même fongicide avec une demi-dose de notre produit, nous obtenions une meilleure efficacité! Ce type de résultats est évidemment très intéressant pour l’ensemble des acteurs de la filière et nous porterons également ces innovations auprès des fabricants.
Pourrais-tu dire quelques mots sur ton parcours ?
Mon profil est assez atypique ! J’ai fait une formation technique (un BTS électro technique). J’ai travaillé pendant cinq ans dans des grands groupes : Total, Engie et Vinci, en tant que chargé d’affaires. Je considère que j’ai pas mal « tourné en rond » mais j’ai surtout compris comment je n’avais plus envie de travailler. J’ai alors décidé d’entreprendre. Je me suis associé dans une première boîte dans la construction. Cette première société a été revendue après être passé de 4 à 28 salariés en 18 mois. Le secteur de la construction est un peu compliqué sur les questions de ressources humaines mais également sur les décalages de trésorerie et la gestion des ressources. J’ai ensuite monté en 2011 une autre entreprise, sur des prestations d’externalisation d’archives physiques. En fait je suis arrivé chez mon avocat pour signer un dossier et il ne le trouvait pas. Je lui ai demandé s’il accepterait d’être mon client si je montais une structure pour l’aider dans la gestion de ses archives. Et il a accepté ! C’est une société que j’ai toujours, depuis 7 ans maintenant. J’ai ensuite voulu me diversifier un peu avec du conseil en entreprises. C’était en janvier 2012. Je m’étais rendu compte qu’en province, de nombreuses entreprises étaient sans outil numérique. Je les ai donc aidées à améliorer leur présence sur certains médias comme les réseaux sociaux. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré le vétérinaire. Je me suis dit que son travail était colossal, qu’il y avait une vraie attente sociétale et une belle opportunité. J’ai confirmé cela en faisant un tour de France des agriculteurs utilisateurs de ses solutions. Tous m’ont dit que c’était l’avenir. AXIOMA est donc née en novembre 2012. Depuis j’ai créé plusieurs structures et j’accompagne une douzaine de startups en business Angel et/ou advisor dont certaines dans le numérique (drones, visites virtuelles, marketplace).
Ton parcours est impressionnant ! Tu es un véritable entrepreneur !
Je me suis en fait découvert véritable entrepreneur! j’ai compris où étaient mes compétences et à quel niveau je me faisais plaisir en travaillant. Je dis souvent que j’ai la chance de ne pas travailler, je fais ce qui me plait et c’est pour moi une sorte de loisir. C’est certes prenant, usant, mais cela me fait tellement du bien.
On dit souvent que l’agriculture est une communauté, comment es-tu parvenu à « entrer » dans cette communauté, alors que tu n’en faisais pas partie au début ?
Au début ça a été un peu difficile. Certains agriculteurs avaient déjà rencontré le vétérinaire. Lui avait 73 ans avec un bagage technique incroyable et moi, du haut de mes 30 ans, j’étais tout à fait profane… Donc quand un jeune est arrivé pour reprendre le flambeau, ils ont été un peu « pommés ». Pour leur donner confiance, il a fallu beaucoup les écouter, travailler, se renseigner, sur tout ce qui se passe dans le monde agricole, la réglementation, la pratique, etc. Mais après, j’aime ce que je fait, donc ça s’est bien passé. Et puis ensuite j’ai recruté des gens très qualifiés et même des experts dans leur secteur ce qui a fait grandir AXIOMA. Le chef d’entreprise est comme un chef d’orchestre. Il ne sait peut être pas jouer de tous les instruments mais tient la baguette… Son rôle est d’abord d’impulser une dynamique, et de faire en sorte que les équipes travaillent dans de bonnes conditions, qu’elles se sentent en confiance avec une vraie mission.