Le sens de l’humus

Entretien avec Eva, membre de l’association Le sens de l’humus. Eva nous parle de l’activité et des valeurs de l’association ainsi que de son parcours à elle plus spécifiquement.

Bonjour Eva, pourriez-vous décrire en quelques mots l’activité de l’association Le sens de l’humus ?

Le sens de l’humus est une association implantée dans le quartier des Murs à Pêches à Montreuil et qui assure l’entretien de quatre parcelles : une parcelle privée et trois parcelles qui appartiennent à la ville. L’association entretient chacune de ces parcelles de manière harmonieuse et belle. Le sens de l’humus accueille également un jardin d’insertion sociale, aussi appelé « jardin solidaire ». Il s’agit d’accueillir des personnes qui reçoivent des minimas sociaux et qui ont été orientées vers l’association pour remettre le pied à l’étrier en terme d’activité professionnelle avec des horaires, le sentiment d’être utile, et l’apprentissage du métier de jardinier. Et surtout pour aider ces personnes à se reconstruire dans une société qui ne fait pas de cadeau à ceux qui n’ont pas trouvé la voie de la réussite.

L’association s’occupe aussi de compostage en partenariat avec Est Ensemble, l’Espace Public Territorial du Grand Paris à laquelle appartient Montreuil. Un autre pôle de l’association concerne tout ce qui est jardinage en pied d’immeubles et éducation populaire.

L’association existe depuis 2006 mais elle était sur d’autres jardins. La propriétaire de la parcelle privée, Mlle Geneviève Pouplier, la dernière horticultrice montreuilloise avait rencontré des membre de l’association en 2010 qui lui ont proposé de l’aider à maintenir en état ses jardins.

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Crédits photos : Le sens de l’humus
Comment fonctionne le compostage en pied d’immeubles ?

Trois personnes s’occupent de cette activité dans l’association : Julia, Antony et Antonin. Nous pouvons être contactés par des communes, comme Romainville par exemple, avec l’objectif de proposer aux habitants de participer au compostage. Dans ce cas nous intervenons avec la mairie pour essayer de rassembler des habitants et les faire adhérer au compostage. Nous essayons de créer une cohésion de groupe auprès des habitants pour qu’ils deviennent autonomes. Nous convenons d’un lieu avec la mairie où positionner des composteurs. Les habitants vont apporter leurs déchets ménagers organiques une à deux fois par semaine aux composteurs. Le reste du temps ceux-ci sont fermés. Nous recréons ainsi de la terre et les participants viennent ensuite de temps en temps récupérer le composte. Il s’agit donc d’un espace à la fois écologique et qui génère des temps de convivialité.

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Crédits photos : Le sens de l’humus
Depuis combien de temps êtes-vous membre de l’association ?

Je suis membre de l’association depuis automne 2016. J’ai découvert Le sens de l’humus par le biais de milieux associatifs montreuillois. J’avais envie de mettre les mains à la terre. J’ai découvert que l’on pouvait jardiner avec eux en semaine. J’étais alors dans une période de reconversion. Ça me convenait très bien. J’ai été bénévole pendant environ une année. Ensuite j’ai participé à la première formation d’agriculture urbaine proposée par l’Ecole du Breuil. L’association a alors proposé de m’embaucher car ils avaient besoin d’aide.

Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre l’association ?

Ce qui m’a poussé c’était un appel et un besoin d’être plus proche de la nature, de retrouver un lien avec la terre. Ce que j’ai aimé avec le lieu c’est que sur ces moments d’accueil il y a un mélange des populations très sympathiques avec une bonne ambiance. Le jardin est géré par Françoise, responsable du jardin et qui insuffle sa patte dans le jardin. C’est elle qui gère tous les travaux et les personnes qui viennent donner un coup de main. Il y a une véritable cohésion qui opère entre les différentes populations.

Avant de rejoindre l’association, j’ai travaillé pendant 14 ans dans le domaine aéronautique, sur des sujets techniques. C’est le fait d’être plus en cohérence avec mes idées et mes valeurs qui m’a poussé à quitter mon travail. Je ne supportais plus d’être derrière un PC toute la journée. J’ai eu une sorte d’appel viscéral pour la terre, un besoin de retrouver un travail physique en lien avec l’extérieur, avec les saisons, avec la température qu’il fait dehors.

En 2014, j’ai donc quitté mon travail dans l’aéronautique pour deux années sabbatiques. J’ai réalisé pas mal de woofing en France : en Bretagne, en Normandie et un peu en Ariège. J’ai vu de l’élevage, de la boulange, des jardins et de l’arboriculture fruitière. J’ai aussi appris un autre métier : la réflexologie plantaire que je pratique aujourd’hui encore à mi-temps. Il s’agit de soins à travers le massage des pieds qui ont des répercutions sur tout le corps. Que ce soit avec la réflexologie plantaire ou Le sens de l’humus, la notion de « soins » est toujours présente !

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Crédits photos : Le sens de l’humus
Pourriez-vous en dire un peu plus sur l’activité de « jardin solidaire » que vous évoquiez tout à l’heure ?

Nous accueillons les mardis, mercredis et jeudis matins de 10h à 12h30 des personnes orientées par Pôle Emploi. Ces personnes viennent pour une durée déterminée en général. Sur ces trois matinées de semaine, nous commençons toujours par prendre un café, un thé, puis nous discutons de ce que l’on va faire. Il y a toujours une bonne ambiance. Ensuite lorsque tout le monde est prêt vers 10h30, nous allons prendre les outils pour débuter les travaux dans le jardin. En ce moment c’est le printemps donc il y a beaucoup de désherbage. Mais cela peut être du semis, de la taille de petit fruitier, ce qui permet de faire du bouturage. Les activités dépendent des saisons, en hiver il s’agit principalement d’aménagement dans le jardin.

Il y a plusieurs espaces sur les parcelles. Cela donne une variété d’activités intéressante. Nous avons par exemple monté une serre, avec des couches chaudes.

Ce qui est bien dans le jardin c’est que nous n’avons pas d’obligation de production. Il y a environ 4000 m² donc beaucoup de travail mais nous ne sommes pas obligé de répondre à des demandes. On n’oblige pas les personnes à faire quoi que ce soit mais en règle générale il y a une volonté que les choses avancent et un vrai plaisir de travailler.

Comment vous projetez-vous dans cinq ans ? Avez-vous des projets en tête ?

Je sais que je m’épanouis dans mon mode de vie actuel. J’ai tout de même un désir de quitter un jour la région parisienne mais ce n’est pas concret pour l’instant. Ça le sera peut-être dans 5 ans.

L’association défend certaines valeurs. Pourriez-vous en dire quelques mots ?

C’est une association qui a la conviction forte que les personnes, les citoyens ont un rôle à jouer dans la société, que tous nous avons un rôle à avoir vis-à-vis de la société et des générations futures et que cela se joue notamment en termes de préservation de l’environnement. La notion d’écologie est vue par l’association comme une interaction entre l’environnement et nous-mêmes (un lien indissociable entre la nature et l’humain en tant qu’univers du vivant). Les impacts de notre consommation sur notre environnement sont également importants. Quand on comprend d’où viennent les objets, d’où vient notre nourriture, combien de matériaux il a fallu pour les produire, les extraire, les transporter, les transformer cela permet de mieux prendre conscience de notre place en tant que consommateur. C’est quelque chose qui nous est chère. Nous ouvrons le jardin une fois par mois pour que les personnes qui viennent visiter puissent se reconnecter avec quelque chose de beau, avec le plaisir et le bien-être que procure la nature. L’humain un grand besoin de nature, c’est même vitale.

Il y a un autre temps fort dans l’association : la fête de la paresse à l’automne. Durant ces journées, nous essayons d’aborder le thème du travail par des réflexions. Nous invitons des personnes qui ont un lien avec ces thématiques. L’idée est de parler du salariat, de penser le travail autrement, de comment les grandes entreprises fonctionnent, de la sociologie du travail, etc.

Quelles sont les perspectives de l’association ?

Nous avons envie de devenir autonomes financièrement, d’être moins dépendants des subventions et des appels à projet. Il y a des réflexions autour de cela. Notre richesse est d’avoir une poly-activité : le jardinage, « l’insertion » et le compostage collectif sont nos activités principales et nos principales sources de revenus aujourd’hui (nous continuons aussi à vendre des bouquets, notamment des dahlias à l’automne), mais c’est aussi très lourd en termes d’activité. Concernant notre développement, la mairie nous soutient sur le volet agriculture urbaine et va mettre à disposition 1 700m² supplémentaires de terre que l’on va récupérer très bientôt et sur lesquels nous avons un projet de développement de micro-ferme urbaine avec différents pôles. Ce projet est en attente de soutiens financiers pour pouvoir démarrer.

Y a-t-il un sujet que nous n’avons pas abordé et qui caractérise l’association ?

Le fonctionnement de l’association est également intéressant. Il y a un désir de fonctionnement horizontal et non vertical. Par exemple, tout le monde a la même rémunération. Les prises de décision sont partagées à travers des réunions mensuelles que l’on appelle le « conseil collégial » composé des salariés et aussi des les bénévoles qui souhaitent s’investir. Nous discutons ensemble des orientations, des décisions à prendre. C’est un fonctionnement assez atypique, mais qui marche !

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