Veni Verdi

Échange avec Marion de Veni Verdi, une association visant à créer des jardins en milieu urbain. Depuis l’un des jardins de l’association, rue de Tanger, Marion nous parle de son parcours, de l’activité de l’association et de sa dimension éducative.

Bonjour Marion, pourrais-tu nous présenter en quelques mots l’association Veni Verdi ?

L’association a été créée il y a dix ans maintenant par Nadine Lahoud, une haute figure de l’agriculture urbaine à Paris. Elle est passée par plusieurs métiers différents. Elle avait envie de remettre des jardins dans la ville, notamment dans les écoles. Elle a commencé l’association en proposant de l’accompagnement pour les jardins partagés, des animations pour les classes (animer un bac, essayer de le cultiver, de proposer des ateliers autour des graines, de l’alimentation, de la biodiversité, etc). Au fur et à mesure des années, elle a cherché des sites propres pour s’installer et créer des jardins pérennes. Je crois que c’est une parent d’élève d’un collège qui aimait l’initiative ainsi qu’une directrice d’école qui était aussi séduite par l’idée qui ont permis la création d’un premier jardin dans un collège Place de la Réunion dans le 20ème arrondissement de Paris. Cela fait depuis 2014 que ce premier jardin est en place. Il y a ensuite eu l’aménagement d’un deuxième toit dans le 20ème, puis d’un troisième dans un collège Place de Bagnolet. Ce collège cherchait un moyen économique d’exploiter et d’entretenir ses grands espaces verts. L’association cherchait toujours un nouvel endroit pour s’installer et a dont converti en espace de culture les 4 000 m² d’espaces verts du collège. Il s’agit maintenant de notre plus grand jardin.

Quels sont les objectifs de l’association ?

L’objectif de l’association est multiple : verdir la ville, éduquer les gens, apprendre d’autres choses et fédérer les gens (les collégiens, les bénévoles, les retraités, les parents d’élèves, etc). Le but est de brasser des gens et de donner une autre vision aux enfants du travail, de l’agriculture, des métiers manuels qui sont parfois un peu dévalorisés dans l’enseignement.

A titre personnel, on m’a poussé à faire des grandes études. Pour moi un travail manuel c’était un travail « pour les nuls ». C’est dommage de penser cela, je trouve que mon travail actuel est très chouette ! Les enfants pensent parfois qu’ils ne sont bons à rien. Notre objectif est aussi de leur montrer que ce n’est pas le cas et de revaloriser à leurs yeux les compétences techniques et manuels.

L’objectif de l’association est bien sûr aussi de sensibiliser à l’alimentation et à l’écologie. En tant qu’adulte on ne se rend pas compte de la somme d’efforts que cela implique de produire de la nourriture. Savoir cela donne un autre regard sur l’agriculteur et de sur l’importance de consommer de façon responsable. On montre à des enfants qu’il n’y a pas de tomates en avril, que ce n’est pas possible de les faire pousser, et que pourtant il y en a au supermarché. On leur demande ce que cela implique.

Quelles sont vos relations avec les institutions publiques comme la Mairie de Paris ?

Nous sommes très suivis par la Mairie de paris. L’association a été très pionnière sur l’installation de jardins et pour l’aspect éducatif. Nous sommes très suivi aussi par exemple par la DASCO (la Direction des affaires scolaires). Le concept est encore nouveau, et il subsiste de nombreuses questions d’ordre administrative, juridique, ou bien technique avec la tenue des toits. Chaque jardin donne lieu à une convention d’occupation.

Nous sommes aussi en relation avec le Rectorat de Paris, notamment pour le jardin du collège Pierre Mendès France. Il s’agit d’un collège en REP (Réseau d’Education Prioritaire). Nous essayons d’expérimenter là-bas des mesures de responsabilisation. Il s’agit d’alternatives à la punition. Au lieu d’exclure des élèves pour absentéisme prolongée par exemple, ils viennent au jardin pour réaliser des sortes de  « travaux d’intérêt général », en plus sympa ! L’objectif est de faire travailler différemment ces élèves et de discuter avec eux. C’est un peu expérimental. Nous avons beaucoup de lien avec le Rectorat pour suivre cette démarche. Les premiers retours sont positifs et d’autres collèges voudraient essayer de répliquer ce modèle. Les élèves sont plutôt intéressés. Certains reviennent de façon volontaire au jardin.

Nous nous trouvons dans l’un des jardins de Veni Verdi, rue de Tanger. Que faites-vous pousser en ce moment ?

C’est le début d’année. Nous avons des carottes, des salades, des bulbes, des fruitiers (par exemple des framboisiers), des plantes vivaces ou encore des aromatiques (thym, romain, menthe..).

Que faites-vous des récoltes ? Est-ce que vous les distribuez aux enfants ?

Nous n’avons pas vraiment la possibilité de donner les récoltes aux enfants, pour des questions de responsabilité. Nous avons lancé une enquête sur la pollution des sols et de l’air pour savoir ce qu’il en était. Moi je consomme les légumes du jardin. Les micro-particules, il y en a dans l’air quoiqu’il arrive ! Nous sommes sur un toit, et donc suffisamment haut pour ne pas subir la pollution liée à la circulation des voitures. Nous distribuons donc les récoltes aux adultes : aux membres de l’association, au personnel de l’école, … Nous faisons également quelques ventes : une vente hebdomadaire (l’été principalement) commune à tous les jardins de l’association, rue de Bagnolet. L’idée est de se faire connaître aussi. Le collège Pierre Mendès France vend aussi à un petit restaurant associatif du quartier. Je vais aussi faire quelques ventes dans une péniche pas loin dans le canal. Nous n’avons pas la possibilité de vendre dans l’établissement mais nous essayons de monter quelques évènements avec les parents d’élèves.

Qu’est-ce qu’une journée type pour toi ?

Il n’y a pas vraiment de journée type. Peut-être une semaine type. Le lundi matin, j’ai toujours deux heures d’atelier avec les enfants, et je retrouve ensuite les professeurs pour discuter de la suite. Le mardi après-midi, je m’occupe des semis dans la serre de l’association, Le mercredi matin, je suis sur un autre site pour aider et jardine ici l’après-midi. Le jeudi matin, de nouveau trois heures d’atelier avec les enfants. Je passe enfin les vendredis au collège Pierre Mendès France pour jardiner avec les collègues de l’association toute la journée. Tout ce planning est entrecoupé de réunions, de temps pour les démarches administratives, les interviews avec les médias, etc. Je prends aussi du temps pour planifier les différentes cultures.

A quelle fréquence un élève reviendra-t-il au jardin ?

Nous prenons les classes par demi-groupe. Nous nous sommes synchronisés avec les demi-groupes de sport. Mis à part une classe très motivée, un élève reviendra toutes les deux semaines au jardin.  Le contenu des ateliers dépend des souhaits des professeurs. Certains ont construit des projets pédagogiques précis. Je travaille avec une classe de CM1 dont le thème de l’année est la biodiversité. Avec les élèves de cette classe, j’ai travaillé sur un hôtel à insectes. Nous regardons maintenant les vers de terre et allons construire un lombric composteur. Avec une autre nous travaillons sur la saisonnalité des plantes : nous avons réalisé un calendrier de culture et sommes aussi allés visiter un supermarché.

Quel est ton parcours à toi plus particulièrement ?

J’ai commencé à être bénévole pour l’installation du jardin où nous nous trouvons (rue de Tanger) en septembre 2016. J’ai été bénévole pendant plusieurs mois, je venais de quitter mon travail et j’avais envie d’apprendre à jardiner. J’avais alors beaucoup de temps libre. Auparavant j’étais attachée de presse dans une maison de disques. Je faisais des promos pour des artistes pour leur sortie d’albums. Je suis devenue bénévole sur l’ensemble des sites. Puis, en mars de l’année dernière, j’ai intégré une formation sur l’agriculture urbaine à L’École du Breuil. A la fin de cette formation, j’ai intégré l’association en tant que salarié. C’était en novembre dernier.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ta formation ?

C’était la première édition d’une nouvelle formation, non diplômante pour l’instant. Cette formation a été montée par l’Ecole du Breuil, l’école d’horticulture de la Mairie de Paris, qui se trouve dans le Bois de Vincennes. Cette école forme beaucoup de personnels de la Marie. L’Ecole a lancé une formation sur l’agriculture urbaine. La mairie favorise l’agriculture urbaine. Tout le monde dit qu’il faut favoriser le vert dans la ville mais il y a peu de gens de formés pour l’instant. Cela devrait générer un peu d’emploi dans le futur. La formation dure huit mois avec une grosse période en stage au milieu. Ce sont surtout des adultes en reconversion qui le font, le tout dans une perspective Bio. Il y a une orientation écologique à la formation, et nous abordons des sujets comme l’apiculture, hydroponie ou encore la permaculture. Il y a beaucoup de très bons intervenants.

Comment te projettes-tu dans l’association ?

L’association est géniale. J’aime passer la journée dans des jardins. Nous commençons maintenant à avoir des envies de spécialisation. Certains membres de l’association aiment voir les élèves, d’autres préfèrent jardiner, et d’autres encore sont plutôt sur la partie administratif de l’association. De mon côté, je préfère la production maraichère. J’ai envie de devenir forte à cela et que nous parvenions à produire davantage. La vente de légumes ne nous rapporte pas grand chose aujourd’hui, nous en donnons énormément. J’aimerais que l’on parvienne à produire un peu plus  de façon par exemple à sécuriser un ou deux débouchés de vente. Cela aiderait l’association et nous deviendrions un espace productif.

Et plus largement, quels sont les projets de développement de l’association ?

Nous avons d’autres projets d’installation de jardins en cours. D’autres établissements font maintenant appel à nous. C’est le cas par exemple de « Parisculteurs ». La Mairie de Paris lance des appels à projets pour faire se rencontrer des propriétaires fonciers (par exemple des établissements scolaires qui ont des toitures et qui ne les exploitent pas) et des porteurs de projet qui cherchent à installer des fermes, des jardins partagés. Il y a eu un premier appel à projet de la part de Parisculteurs pour lequel nous avons remporté trois sites, qui ne sont pas encore installés pour le moment. Cette année, un autre appel à projet a été lancé avec de nouveaux sites. Nous avons postulé à certains d’entre eux.

Au début, nous récupérions tous les jardins que l’on voulait bien nous proposer. D’ici trois ans nous aurons dix jardins, de taille plus ou moins importante. La question qui se pose désormais est de savoir si nous continuons à grossir ou bien si nous nous arrêtons là. La réflexion a commencé. L’objectif sera sans doute de gagner en sécurité (notamment de financement) et de confort de travail.

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