Rencontre avec Renaud, créateur de La Ferme des Champs Libres. Renaud explique le fonctionnement de sa ferme ainsi que les raisons qui l’ont amenées à s’installer.
Bonjour Renaud, pourriez-vous décrire en quelques mots votre activité ?
Actuellement je suis paysan boulanger, en installation. Je dis en installation car je travaille encore à mi-temps en temps qu’éducateur. Le projet à terme est de créer une micro-ferme qui permettra de faire vivre 2 à 3 familles. Sur la ferme, il y a du potentiel pour du maraîchage, de l’arboriculture, du petit élevage de poule, …et bien d’autres choses encore en fonction de ce que les gens pourraient proposer !
La ferme a un potentiel énorme. Le but est de trouver des associés dans le temps. La ferme a une petite subtilité : elle a été construite en chantier participatif. A ce jour, 200 personnes différentes sur 60 journées différentes sont venues construire la ferme en 2017, c’est à dire un hangar et un petit fournil.
Les 2 à 3 familles viendraient travailler sur la ferme. On ne pourra pas y vivre dans un premier temps. Il faut justifier de trois années à temps plein pour avoir un logement de fonction. Nous n’aurons donc pas le droit de construire une maison dans un premier temps. Pour les 2 à 3 familles, il s’agirait de gens qui ont envie de monter un projet ensemble, à plusieurs, d’avoir des temps de travail en commun sur la ferme. Si une famille veut partir à l’étranger en voyage, cela permettra d’avoir d’autres personnes qui peuvent gérer l’activité de la ferme avec une alternance dans la tâche. Tout le monde développera une polyvalence.
C’est un projet collectif au niveau du travail bien sûr mais il y a aussi un collectif que j’ai rassemblé et qui a permis de construire la ferme. Un collectif autour de la permaculture et de l’agroforesterie. Cela me permet notamment d’identifier des acteurs futurs et potentiels.
J’ai organisé des journées portes ouvertes sur la ferme. Sur les 200 personnes qui sont venues, beaucoup m’ont fait des propositions. J’ai besoin d’un outil, un collectif où les gens vont pouvoir développer leur créativité, se nourrir, se reposer. Avant de dire que je vais travailler avec des gens, je veux vérifier que cela va coller. J’ai déjà des pistes de personnes avec qui je pense travailler.
Je te donne l’exemple de Radwan. Il est venu sur la ferme. Il est arrivé sur une formation que j’avais organisé sur ma ferme, pour la construction d’un petit four à pain. Il est ensuite revenu sur les chantiers participatifs pour la construction de la ferme. Il m’a dit qu’il voulait être associé. Je lui ai répondu qu’il fallait se donner une année pour voir comment nous travaillions ensemble. Aujourd’hui, nous sommes sur un projet de pâtisserie sur la ferme. A terme, nous allons bosser ensemble avec Radwan. La ferme a pour vocation aussi d’être une rampe de lancement, une pépinière, une oasis ressource, un lieu où des personnes qui m’ont aidé vont pouvoir faire des choses sur la ferme, ensemble. J’ai de l’espace, de l’espace de créativité, du matériel à mettre en commun, pour mutualiser les besoins. Cela fonctionne.
Autre exemple. Sur la journée porte ouverte, dix bénévoles sont venus pour faire rayonner l’activité de la ferme. C’était des professionnels du coin. Il y avait des musiciens, un funambule qui s’installe à côté de chez moi, un DJ, des amis qui possèdent une activité de grimpe d’arbre à côté, une animatrice nature, des filles qui font du massage bien-être. Un autre copain s’est occupé de la nourriture, avec une alimentation végan. Il y avait enfin une dizaine de paysans boulangers, d’artisans boulangers et patissiers. La ferme a pour vocation de créer du lien, de ramener à l’essentiel, de nous ramener au plus prêt de la nature, à notre essence même d’être humain, de redonner de l’âme, de se rapprocher de l’humanité, et ce ne sont pas que des paroles. Sinon je n’aurais pas 435 personnes sur les deux portes ouvertes. Sur les 350 personnes venues sur la deuxième porte ouverte, 80 personnes sont restées campés !
Quel est ton parcours, que faisais-tu avant ?
J’ai été prof de sport pendant 15 ans dans le milieu du handicap. Je fais souvent référence aux films « Demain » ou « On a 20 ans pour changer le monde ». Je suis dans le concret. C’était mon rêve de gosse de devenir paysan. J’ai eu la chance d’avoir cette opportunité. J’ai rencontré un paysan boulanger parti à la retraite, il m’a formé et m’a revendu son matériel. J’entraine tous ceux qui veulent changer le monde, de revenir au Bio, d’être sur des choses plus saines, plus simples, d’être dans l’éco-constuction avec des choses durables (utiliser des fours solaires, une cuisine locale et Bio, et tout ce qui va avec). Tout cela est aujourd’hui en marche.
Tu as lancé une campagne de financement. Pourrais-tu décrire ton projet ?
Une installation c’est très complexe. En juillet je serais à plein temps sur la ferme. L’an dernier la ferme a été construite et financièrement, début janvier il y a eu un « bug » avec la banque. Je me suis dit que c’était peut-être une sorte d’alarme. Comme beaucoup de gens soutenaient mon projet, j’ai décidé de lancer une campagne de crowdfunding pour le légitimer et affirmer cette reconnaissance que les gens soutiennent mon projet. Il me manquait dix mille euros pour financer mon projet de phytoépuration. Le maire de ma commune ne voulait pas que je vende du pain sur ma ferme sans un système de phytoépuration. J’ai donc activé tous mes réseaux, pour communiquer et permettre de construire ce système afin que je puisse vendre mon pain à l’automne. Je souhaite monter un projet en conformité avec tout le monde, même si c’est très complexe. On fait le projet avec tout le monde, et dans les règles.
Cela me fait plaisir que sur mes portes ouvertes, il y ait eu 7 ou 8 paysans voisins qui soient venus voir la ferme. Certains comprennent le projet, d’autres pas. C’est important de les associer, de leur laisser du temps. Comme avec Pierre Rabhi, dans les Cévennes. Il était tout seul au départ. Au final, les gens ont fini par dire qu’il avait raison. C’est en ouvrant les portes, en étant souple, adaptable, que l’on parvient à convaincre. Je ne suis pas là pour aller au combat, je suis là pour donner de l’amour. D’où le nom de mon fournil (« Le Fournil d’Amour et de Pains »). L’amour, c’est la lumière de l’âme. Et mon projet c’est exactement cela : il s’agit de révéler l’âme que l’on peut mettre dans les choses. Mettre de la confiance dans les choses, consommer et payer en conscience. Cela choque peut-être mais en tout cas mon idée est vraiment de remettre de la confiance. Quand mes voisins viennent prendre du pain, ils mettent de l’argent dans une boite, ils pointent, mais moi j’ai confiance, je ne vérifie pas. Il faut revenir à cette confiance. Le cœur de mon projet est là.
C’est aussi un projet de revenir à la paysannerie. Cela semble avant-gardiste mais beaucoup le font et cela fonctionne. Le succès de ce projet, c’est que je suis à la fois dans un territoire où la paysannerie existe depuis très longtemps et où il existe, près de Nantes, énormément de fermes bio. Mon but est de rassembler tous ces gens, en organisant des formations, en les faisant participer à la construction de la ferme, etc. C’est un projet très complexe avec une gouvernance pas simple. Mais je suis bien entouré, il y a des maçons, des charpentiers, des électriciens, etc, … environ une quinzaine de personnes qui m’accompagne déjà dans le projet.
Un mot pour conclure ?
Je suis aujourd’hui très enthousiaste, mon projet va me demander beaucoup de temps, d’énergie. Mais le projet va exploser, en témoigne les portes ouvertes de ce week-end !
Merci pour ce superbe article GREGOIRE
Au plaisir
Bien Cordialement
Renaud BERTRAND
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Ferme des Champs Libres
Fournil d’Amour et de Pain
23, rue de la fontaine Bonnet (Lieu-Dit la Poitevinière)
44320 Chaumes en Retz (anciennement Arthon en Retz)
Tél : +336 32 15 09 08
Mail : [email protected]
Page FB : https://www.facebook.com/fermedeschampslibres/
Blog : http://www.fermedeschampslibres.blogspot.fr