Entretien avec Sandrine, éleveuse d’ânesses à Larrouey, en Gironde. Sandrine décrit son activité et les raisons qui l’ont poussé il y a quatre ans à changer de métier pour lancer son asinerie.
Bonjour Sandrine, pourriez-vous décrire votre activité en quelques mots ?
J’ai lancé l’Asinerie de Larrouey il y a quatre ans maintenant. Le terme « asinerie » vient du mot latin « asinus ». Il s’agit d’un élevage d’ânes avec des naissances. S’il n’y a pas de naissances, on parle plutôt « d’ânerie ». J’élève des ânesses « laitières » pour produire du lait et en faire du savon et des cosmétiques.
Actuellement il y a treize bêtes entre le producteur, sept ânesses et des ânons. J’ai en particulier un jeune ânon que je garde pour les visites guidées. Il est de petite taille, ce qui est pratique lorsqu’il y a des enfants. Il est en moins impressionnant. J’ai aussi eu une naissance il y a 10 jours.
Aviez-vous une autre activité professionnelle avant de vous installer ?
Avant de m’installer, j’étais esthéticienne. J’ai eu mon institut de beauté pendant 20 ans. Depuis toujours je rêvais d’avoir 2 ou 3 ânes, pour le plaisir. Là où j’habitais avec mon mari ce n’était pas possible. Mon mari a finalement accepté que l’on déménage pour que je puisse avoir des ânes. Ne sachant pas comment les élever je suis partie en formation dans une ânerie pendant une semaine du côté de Cahors.
Et là j’ai craqué. En rentrant j’ai dit à mon mari que non seulement nous vendions notre maison mais aussi l’institut de beauté. Nous avons alors cherché une propriété. J’étais davantage partie sur une idée de balade, de randonnées pour faire des chambres d’hôtes.
Mais mon mari travaille à Bordeaux donc nous ne pouvions pas trop nous éloigner. Je suis repartie en asinerie laitière et cela m’a à nouveau beaucoup plu. J’ai notamment été émerveillée par le fait de travailler en douceur avec les animaux. Aujourd’hui je travaille dans le respect de mes bêtes, à leur rythme. Je ne leur impose pas de rythmes infernaux. Je souhaite rester dans une toute petite production, avec 2 à 3 ânons par an, pas plus. Conserver une petite production me permet de placer facilement mes ânons, pour ne pas qu’ils partent à la « boucherie ».
Je tiens vraiment à préciser cela, je ne vends pas mes ânons à n’importe qui. Je m’accorde le luxe de choisir à qui je les vends et je veux que mes ânons soient bien dans leur tête et dans leur peau. Si les personnes qui souhaitent acheter mes ânons ne répondent pas à mes critères, je refuse la vente. J’assure aussi la formation des personnes qui m’achètent les ânes. Je les fais venir une demi-journée voire plus si c’est nécessaire.
Justement, quel est le profil des personnes qui vous achètent des ânons ?
Cela peut être des professionnels par exemple. J’ai déjà vendu des ânons pour qu’ils deviennent de futurs ânes maraîchers. On retourne de plus en plus à des modes de production plus intimes et plus naturels. Beaucoup de jeunes s’installent aujourd’hui en maraîchage Bio et réalisent leur labour avec des ânes. Un âne est d’ailleurs moins coûteux qu’un cheval.
J’ai aussi vendu des ânes à des particuliers qui souhaitaient vraiment s’impliquer. Ce sont des gens qui cherchaient un animal de compagnie pour les accompagner dans leurs balades ou randonnées. Il y a enfin eu quelques ventes pour de la médiation animale. Lorsque l’on reçoit du public, des enfants, des personnes handicapées, ou encore des gens qui ont des problèmes locomoteurs ou psychologiques, la présence animale peut être bienfaitrice. C’est cela, la médiation animale.
On apprend à ces personnes à se poser : l’âne est vraiment vecteur de calme et sait adapter son comportement en fonction des personnes qu’il a devant lui. Lorsqu’il y a des petits enfants les ânes font attention, lorsqu’il s’agit de personnes handicapées, ils savent se rendre compte de différences.
D’où vient ce rêve d’élever des ânes ?
J’ai toujours rêvé d’avoir des ânes, même toute petite. Je ne saurais pas l’expliquer. Cela a toujours été une attirance. Quand j’étais petite je voulais être bergère. J’étais attirée par l’élevage et les animaux. Je suis partie sur une autre voie au début, que j’ai aussi beaucoup aimée mais j’ai décidé de créer l’Asinerie pour allier mes deux passions : l’élevage et les ânes.
Je n’avais jamais été en contact avec des ânes pendant mon enfance mais j’avais toujours embêté tout le monde pour en avoir. J’étais partie pour en avoir deux ou trois au début et maintenant j’en ai treize !
Votre élevage est-il certifié Bio ?
Je travaille comme si j’étais en Bio mais je ne ferai pas les démarches pour obtenir les certifications. En revanche je n’utilise que des produits Bios pour la réalisation de mes produits (huiles essentielles, huiles végétales, …). Je produis également moi-même mon calendula et mes lavandes pour fabriquer mes huiles et mon miel avec des ruches. C’est une question de choix : je suis une rebelle d’une certaine façon. Je n’aime pas que l’on m’impose des choses. Je n’aime pas l’idée de payer des sommes astronomiques pour prouver que l’on travaille convenablement.
Si j’étais certifiée Bio, j’aurais plus de facilité à vendre mon lait, car je vends aussi un petit peu de lait à des savonniers qui font leur savon. Malgré cela, je ne changerai pas d’avis. En ayant des ruches on est obligé de travailler naturellement. J’ai aussi la chance d’être sur un site où je suis entourée de forêt. Je n’ai pas de terres agricoles autour de moi, c’est une zone d’élevage et il n’y a donc pas de problème de pesticides aux alentours.
Pourriez-vous parler un peu de vos produits (savon et cosmétiques) ?
Je produis mon savon à la ferme et les cosmétiques via un laboratoire. Il y a des normes drastiques pour les cosmétiques. Je travaille en saponification à froid car le lait d’ânesse ne supporte pas les fortes températures. Travailler à froid permet de garder toutes les vertus du lait d’ânesse. Je dispose pour la réalisation des savons (la « saponification ») d’un plan de travail carrelé. Il y a une pièce où je stocke tous mes ingrédients, mes beurres, mes huiles et là où mes savons sèchent. A côté j’ai mon petit coin labo.
Comment commercialisez-vous vos produits ?
J’ai une boutique à la ferme où j’accueille du public. Les gens m’appellent pour que j’ouvre la boutique. Mon terrain fait sept hectares. Si je suis au fond je ne peux pas revenir facilement ! Après j’ai des revendeurs (des anciennes collègues de travail), mon site internet et tous les week-ends je fais des marchés pour vendre mes produits. C’est un peu fatigant quand même. Cela veut dire se lever aux aurores parce qu’il faut s’occuper des bêtes avant de partir et après une bonne journée à monter et démonter son stand il faut rentrer s’occuper des bêtes. Ce n’est pas de tout repos mais c’est indispensable pour se faire connaître et vendre.
Qu’aimez-vous dans votre métier ?
Tout ! La relation avec mes animaux pour commencer. Ce sont des animaux très très attachants et contrairement à ce que les gens pensent, très intelligents. Ils sont doués d’un sixième sens car ils ressentent les émotions. Ils aiment aussi le contact et viennent chercher des câlins. Les gens disent que je suis proche des animaux car ils me font confiance. Pour la mise bas, mes ânesses me font confiance. S’il faut passer plusieurs nuits à veiller, je le fais.
Une naissance c’est toujours un moment magique. J’aime tout, vraiment. J’aime aussi la traite. Je ne trais pas tous les jours, il y a des jours de traite et c’est toutes les trois heures. C’est vraiment un tout : travailler au rythme des animaux, les respecter, … Ce sont mes compagnes de journée. Pour moi c’est très important, ce sont des animaux très apaisants, il ne faut pas être stressé. Moi qui suis quelqu’un de très « speed », ça m’a obligé à me poser et à aller les regarder, les observer.
À l’inverse, est-ce qu’il y a des choses que vous aimez moins dans votre métier ?
Si vraiment je dois trouver quelque chose, le nettoyage n’est pas l’activité la plus passionnante mais il faut le faire. Et c’est toujours le moment d’un petit câlin parce que mes animaux viennent vers moi et dans ma tête je m’imagine leurs questions. Ils sont toujours autour de moi à pousser la brouette. Ils aiment bien faire des petites blagues, piquer les gants dans les poches, etc. Non, il n’y a rien qui ne me déplaise. Hormis lorsqu’une bête ne va pas bien. J’ai une ânesse l’an dernier qui a été grièvement blessée et que j’ai failli perdre. L’angoisse de perdre un animal. À part ça rien ne me dérange.
Un mot peut-être pour conclure ?
C’est toujours un plaisir pour moi de faire partager aux gens ma vie. En général ils sont assez réceptifs et satisfaits. J’aime bien que les gens viennent à ma rencontre. Une question que l’on me pose souvent lors des visites de l’Asinerie. Ils me disent : « mais vous ne pouvez plus partir en vacances alors ? ». Je les invite alors à regarder où je vis : je n’ai pas besoin de partir en vacances. Je travaille plus de 70 heures par semaine. Même moi quand je travaillais avant, j’espérais les vacances, j’attendais un week-end parce qu’on court toujours et que l’on cherche ce que l’on n’a pas. Aujourd’hui j’ai trouvé un équilibre et maintenant ce n’est plus un besoin.
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Bonjour Caroline,
J’imagine que c’est un plaisir de se lever le matin et d’aller leur dire bonjour!!!
J’habite sur la presqu’île du Cap Ferret, je rencontre actuellement des soucis de santé et on m’a dit que le lait de jument soigne.
Pouvez-vous me communiquer votre adresse afin que je vienne vous voir et vous en acheter.
Avec mes remerciements.
Martine
Bonjour Martine,
Merci beaucoup pour l’intérêt que vous portez à notre article ainsi qu’aux producteurs qui ont choisi de raconter leur histoire sur Farmitoo !
Par rapport à votre question, je vous laisse retrouver ci-dessous une liste de producteurs qui peuvent répondre à votre exigence :
– Produits de Sandrine, éleveuse d’ânesses en Gironde : http://asineriedelarrouey.weebly.com/
– Produits de Caroline, éleveuse de chevaux en Gironde : http://laittraitdecaro.fr/index.php
– Produits de Beatrice, éleveuse de juments : https://zofelaitdejument.jimdofree.com/
Très belle journée à vous
Chiara