Project Alba

Echange avec Guillaume, co-fondateur de Project Alba.

Guillaume nous parle de son entreprise sociale au Cambodge, de ses motivations pour se lancer dans cette grande aventure au sortir de ses études en France il y a 7 ans et de sa vision de l’Agriculture en général.

Peux-tu présenter en quelques mots Project Alba ?

Project Alba est une entreprise sociale basée à Phnom Penh, au Cambodge, et créée il y a 7 ans. Notre objectif est d’améliorer les revenus des fermiers dans les pays en voie de développement. Nous leur garantissons des prix de rachat de leur production et leur apportons du soutien technique ainsi que des conseils pour améliorer leurs rendements. Notre modèle économique consiste à financer les investissements consentis pour les fermiers (achat de matériel, conseil, etc) avec la marge réalisée sur la revente des productions.

A quelle problématique répond Project Alba ?

Dans les pays en voie de développement, les agriculteurs ont très peu accès au financement et ils cultivent très souvent des produits très peu rémunérateurs (céréales comme le blé). Nous permettons à ces agriculteurs d’adapter leur production tout en leur garantissant des marchés. A titre d’exemple, les légumes sont plus rémunérateurs mais également plus techniques à produire avec des problématiques d’insectes et de maladies.

Les raisons qui vont motiver un agriculteur à nous rejoindre sont multiples : améliorer ses revenus, se dégager du risque lié à la vente de sa production, disposer d’une logistique plus simple, se focaliser sur sa production, …

Existe-il des agriculteurs qui ne souhaitent pas vous rejoindre ?

Certains agriculteurs ont une activité agricole à temps partiel. Au Cambodge, 40 à 60% de la population sont des agriculteurs. En revanche, ils sont nombreux à disposer d’une activité professionnelle complémentaire (travail à l’usine, …). Certains ne souhaitent pas s’engager avec nous car notre modèle de partenariat nécessite une disponibilité à plein temps. C’est un choix personnel de leur part.

Comment trouvez-vous les agriculteurs qui rejoignent Project Alba ?

Il existe des structures régionales avec des experts du secteur agricole qui nous aident à identifier des communes cibles. Ensuite, nous nous déplaçons dans ces communes pour présenter Project Alba et notre modèle de partenariat.

Comment parvenez-vous à trouver des entreprises à qui revendre la production des agriculteurs membres de Project Alba ?

Nous vendons à des grossistes, un peu comme des coopératives. Il en existe beaucoup, mais qui sont de petite taille. La revente n’est pas tellement un enjeu pour nous. Si je caricature, tu vas dans un marché et tu parviens à vendre la production sans problème.

Combien de personnes travaillent pour Project Alba aujourd’hui ? Quel est ton rôle à toi en particulier ?

Nous sommes une soixantaine maintenant avec environ 80% de locaux et 20% de profils internationaux (dont 2 français et 7/8 nationalités !). Nous avons des difficultés à recruter des locaux car le système universitaire cambodgien a été détruit il y a 20/30 ans par le régime des Khmers rouges dans les années 75-80 puis par 15 ans de guerre civile.

Mon travail est double : manager les équipes (plutôt sous la forme de contrôle des activités plus que de coaching désormais) et guider les développements techniques du projet (quelles productions ciblées en priorité, avec quels moyens techniques, etc). Ce deuxième aspect recouvre aussi la définition des chemins pédagogiques pour former les agriculteurs à de nouvelles techniques de production.

Comment as-tu eu l’idée de Project Alba initialement ?

J’étais dans une association de Microfinances en école. C’était un domaine qui m’intéressait, notamment pour l’aspect économique. La question qui me taraudait n’était pas tellement de comprendre comment des gens pouvaient survivre avec 2$ par jour mais plutôt comment ils faisaient pour ne produire que 2$ par jour. J’ai regardé avec l’un de mes camarades ce qui bloquait les agriculteurs. C’était en 2010. On a fini par créer un modèle qui nous semblait faire sens. C’est en réalité un modèle assez standard dans l’Agriculture, proche des coopératives, mais avec un modèle de gouvernance différent (les agriculteurs ne sont pas adhérents).

Étais-tu déjà allé au Cambodge ?

Je n’étais jamais allé au Cambodge. C’était en quelque sorte un choix sur Excel ! Mon camarade et moi avons regardé les pays qui disposaient de bonnes conditions sur les taux de croissance économique, sur la gouvernance, sur la possibilité d’installer des entreprises facilement, … Le Cambodge cochait beaucoup de cases. Paradoxalement, il n’est pas sûr que le Cambodge restera notre plus gros marché. Nous allons commencer à nous internationaliser en fin d’année et un marché comme l’Inde présente beaucoup de potentiel (population, …).

Pensais-tu rester aussi longtemps au Cambodge ? Qu’est-ce qui te motive aujourd’hui à poursuivre l’aventure ?

Cela fait 7 ans que je suis au Cambodge. Je ne pensais pas que j’allais « signer » pour 7 ans au début, plutôt 3 ou 4 ans avec l’idée de revenir en Europe ensuite. En réalité, je suis en Asie pour encore 5 à 10 ans !

Ce qui me motive, c’est toujours la même chose. Le secteur agricole est primordial dans la plupart des pays. C’est un mode de développement très égalitaire. Si les agriculteurs s’enrichissent, tu es quasiment sûr que les richesses seront réparties équitablement entre les personnes. Nous avons un modèle économique qui fonctionne. Notre ambition est de croître de façon importante dans les 2/3 prochaines années en passant de 300 agriculteurs à 10 ou 20 mille.

L’un des facteurs limitants est ce que nous demandons aux agriculteurs pour rejoindre notre réseau. Nous leur demandons d’avoir suffisamment de terrain, suffisamment d’eau. Les agriculteurs qui n’ont pas d’eau nous ne pouvons pas les aider. Souvent ce sont des choses qu’ils ont déjà mais ça a un effet sélectif. Par ailleurs, nous ne pouvons travailler avec eux que s’ils ont des terres non-inondables. Or les agriculteurs les plus pauvres possèdent le plus souvent des terres inondables. Nous avons un enjeu d’aborder ce genre de questions si nous souhaitons croître.

Quelle est ta vision de l’Agriculture en France et en Europe plus généralement ?

Je suis cela d’assez loin, par la lecture de la presse agricole notamment. Je suis en particulier la partie technologique (moins la partie organisationnelle) : 2/3 startups de robotique à Toulouse, aux Etats-Unis des personnes qui travaillent sur le « bio-control » et plus largement tout ce qui est « Agtech ».

Comment est la vie au Cambodge ?

La vie au Cambodge est assez simple, assez sobre. Quand je suis arrivé il n’y avait pas de cinéma, pas de théâtre. Il y avait une partie de la ville qui était dédiée au tourisme sexuel. Aujourd’hui ça a beaucoup évolué. Il y a une classe moyenne, des expatriés, etc. L’ambiance ressemble à une ville de 50 mille habitants.

J’ai trouvé un bon équilibre de vie. Je viens assez souvent passer quelques jours à Paris, ou dans la Silicon Valley. L’objectif est notamment de rester informé sur les nouvelles technologies. Au Cambodge il y a 2/3 startups mais il n’y a pas la même émulation. C’est un rythme assez différent.

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