Entretien avec Marine de l’Abeille et la Blette : « Nous avons envie de travailler avec la nature, pas de la maîtriser »
Bonjour Marine, pourriez-vous décrire en quelques mots L’Abeille et la Blette ?
L’Abeille et la Blette est une petite ferme qui prend racines du côté de Saint-Félicien, en Ardèche. Le cœur de notre activité est le maraîchage biologique. A un moment donné de nos vies, avec mon compagnon, nous avons eu besoin d’exercer une activité qui ait du sens et qui soit en accord avec nos idées, notamment en termes d’environnement, de préservation des ressources… L’Abeille et la Blette est le fruit de cette réflexion.
Qu’est-ce qui caractérise spécialement votre activité ?
Sur la ferme, nous avons fait le choix d’un modèle qui se développe depuis quelques temps déjà : nous faisons du maraîchage sur petites surfaces ou encore parfois appelé du maraîchage bio-intensif.
Sur la ferme, nous disposons de 10 jardins ou sections de culture mais, chaque année, nous n’en cultivons que 4 ou 5. Les jardins au repos sont couverts par différents engrais verts, permettant une amélioration/régénération de nos sols.
Sur les jardins en culture, l’idée est d’intensifier l’utilisation de l’espace, d’être capable de produire autant mais sur une surface plus restreinte que les standards du métier. Ça passe par des rotations rapides, par la densification et la contre-plantation, par l’association de cultures ayant des vitesses de développement différentes.
Par exemple, au moment où on plante les choux, entre les lignes, on plante aussi des salades. Lorsqu’on récolte les salades, les choux peuvent eux continuer à se développer tranquillement. L’idée aussi c’est que nos planches de cultures soient toujours remplies. Dès qu’une culture est récoltée, une autre prend sa place. Cela permet d’économiser de l’eau lors des arrosages (on arrose toujours des légumes, pas les adventices), de mieux gérer le désherbage, d’être plus vigilant pour les soins aux cultures. En plus, cela permet de pouvoir libérer de l’espace pour la nature (ex : bandes de jachère fleurie pour les pollinisateurs) et pour d’autres usages (ex : engrais verts sur les jardins au repos).
Enfin, plus globalement, nous avons choisi une activité étroitement liée à la nature. Il faut donc accepter qu’il n’y ait pas de recettes toutes faites et accepter les risques liés au climat, à l’apparition soudaine d’un ravageur etc.
D’où vient-il votre choix dans le sens du maraîchage biologique ?
Nous avons fait le choix du maraîchage biologique car nous voulions proposer des produits sains. La santé passe par une alimentation saine. Nous avions aussi envie de défendre une agriculture respectueuse de la nature et de ses équilibres, de la biodiversité. De notre point de vue, nous voyons très clairement aujourd’hui les limites du modèle agricole productiviste. Ce modèle conduit à l’appauvrissement voire l’épuisement des sols, à des pertes importantes de biodiversité, au développement de résistances (ex : adventices résistantes à certains herbicides) … Il nous apparaît donc essentiel de changer de modèle et nous, nous avons envie de travailler avec la nature, pas de la maîtriser.
Nous avons fait le choix de demander la mention Nature & Progrès car le cahier des charges va plus loin que le cahier des charges AB et reflète mieux nos aspirations et notre travail.
Quels sont vos principaux produits ?
Nous produisons, tout au long de l’année, des légumes diversifiés et de saison. Au plus haut de la saison, nous proposons une trentaine de légumes différents.
Nous avons également un verger d’abricotiers que nous convertissons en bio. Nous vendons les fruits frais ou transformés (nectar et confitures).
Comment commercialisez-vous vos produits ?
Nous vendons tous nos produits en vente directe. Le circuit-court était une évidence pour nous car il est indispensable de recréer un lien direct et de confiance entre les producteurs et les consommateurs. Jusqu’ici, nous faisons deux marchés hebdomadaires. Nous vendons également des légumes à des restaurateurs locaux ou encore à des producteurs voisins ayant des besoins spécifiques pour leurs produits transformés (charcuteries, préparations à base d’escargots…).
Pourriez-vous nous en dire plus concernant votre campagne de financement participatif qui vient de se terminer ? (Comment ça s’est passé ? Etes-vous satisfaits ? Quel est le but du financement ? A quoi va servir la collecte ? …)
En décembre dernier, nous avons réalisé une campagne de financement participatif. Nous sommes très satisfaits car nous avons atteint notre objectif, on l’a même légèrement dépassé !
L’objectif était de nous aider à financer la création d’une parcelle agro-forestière. Nous avons une parcelle d’un hectare sur laquelle nous allons donc mettre en place un verger diversifié et un petit atelier de poules pondeuses.
L’idée est de pouvoir diversifier nos productions avec, à terme, sur notre étal, des fruits frais ou transformés (jus, confitures) et des œufs. Et puis, c’est aussi une façon d’inviter une biodiversité riche et nécessaire au bon fonctionnement de la ferme. Nous allons donc planter des haies étagées et diversifiées, des arbres non fruitiers mais intéressants du point de vue de la faune locale…
Le financement participatif va donc nous permettre de financer la construction des poulaillers mobiles et la clôture des parcours, l’achat du premier lot de poulettes, la plantation d’une première soixantaine d’arbres fruitiers et de haies diversifiées… Nous allons travailler avec des pépiniéristes locaux, proposant des essences variées, adaptées à nos sols et notre climat.
Y a-t-un dernier sujet concernant l’Abeille et la Blette que vous souhaiteriez aborder ? Des projets pour l’avenir ?
Des projets pour l’avenir ? La liste est très longue !
Nous avons pour projet d’effectuer le peu de travail du sol que nous faisons encore avec des ânes. La traction asine est donc un projet que nous souhaitons mener à bien. François a d’ailleurs déjà commencé à se former à ce sujet. Nous souhaitons également continuer à développer un réseau local solide puisque nous croyons à l’entraide et à la nécessité de s’organiser collectivement. On oublie trop souvent l’importance du bien-être social, même à l’échelle d’une petite ferme comme la nôtre.
Dans l’idée, l’ensemble des projets et évolutions que nous souhaitons mettre en place sur la ferme vise le même objectif : une ferme qui soit la plus résiliente possible ! C’est pourquoi nous nous appuyons sur des techniques simples, pratiques, économiques et le moins énergivores possible. C’est une nécessité pour que notre projet perdure dans le contexte actuel qui n’est, il faut l’avouer, pas toujours très réjouissant !