Entretien avec Gabriel Willem des Jardins En-chantants : « Aujourd’hui on a tout et du coup on n’a rien »
Bonjour Gabriel, pourriez-vous décrire en quelques mots Les Jardins En-chantants ? D’où vient-t-il cet appellatif ?
Ce qui faut comprendre est que je ne suis pas issu du milieu agricole. Je suis un artiste, j’ai fait une carrière de comédien de théâtre à Paris. Et différentes choses m’on ramené a revenir en Alsace. J’ai 34 ans et la mienne est une génération qui s’intéresse à reprendre du bon sens en main. C’est comme ça que quand j’ai eu la possibilité de louer un terrain, je me suis posé la question : « Qu’est-ce que tu fais dans ta vie vraiment comme action directe pour sauvegarder la planète ? » et j’ai décidé de passer à l’action.
Il faut dire aussi que je ne suis pas du tout agriculteur, donc je me si dit : « si je fais ça, ça va être avec l’art ».
C’est comme ça que le terrain a été loué il y a 5 ans. Aujourd’hui on est à notre troisième saison de maraîchage. Au début le terrain était vraiment mort. Les premières deux années j’ai donc préféré adopter des techniques et des cultures traditionnelles, comme je ne connaissais pas le monde agricole si en profondeur. L’idée de base s’était de laisser reposer la terre.
J’ai ressenti l’envie d’agir autant que citoyen, en participant à la vie de la cité. Je me suis dit « Ce que je fais là, je le fais d’une manière citoyenne ». Aujourd’hui la musique que je fais en tant que musicien c’est la même chose que je fais aux jardins en faisant pousser des légumes. Les deux se transforment en nourrisson pour le corps et l’esprit.
Qu’est qui caractérise spécialement votre activité ?
On fait des paniers de saison. Dans ces paniers, on retrouve nos légumes. On produit plus de 200 variétés selon leur saisonnalité. Le but c’est vraiment aussi de montrer qu’on peut manger bio e local en suivant le rythme de la nature. Tu peux t’amuser vraiment en mangeant c’est qui pousse ! Ce n’est pas un retour en arrière ça, mais une nouvelle découverte des produits de la nature, un regard avec des yeux renouvelés.
D’où vient-il votre choix du maraîchage bio polyculturel ?
Au début j’avais commencé à faire pousser des plantes et des légumes très simples dans mon jardin. Après, j’ai découvert le bouquin du jardinier-maraîcher québécois Jean-Martin Fortier et j’ai aimé sa philosophie.
J’ai rencontré dans ma vie beaucoup des gens dénoués de réalité et misérabilistes. C’est que j’ai bien aimé chez Jean-Martin Fortier, était vraiment sa cohérence et son réalisme. Tout à l’opposé de ce que je voyais parmi les gens.
Après pour le type d’agriculture c’est plutôt une agriculture simple, sans tracteurs, ça reste à taille humaine. En plus, plus l’activité avance, plus on se sent un restaurant éphémère et je réalise de plus en plus que l’alimentation est très importante pour notre vie.
Quels sont vos principaux produits ?
On offre des paniers de saison avec plus de 200 légumes. Ces paniers peuvent aussi être accompagnés des propositions artistiques selon les différents artistes qui décident de collaborer avec nous, pour créer un véritable lien entre les artistes et les consommateurs. C’est vraiment un panier découverte !
Comment commercialisez-vous vos paniers de saison ? Où est-ce qu’on peut les retrouver ?
Les clients s’engagent au début. Il s’agit d’un engagement sur 30 semaines pour la réception de nos paniers. Nos produits son vendus aussi au marché du samedi à Colmar ou directement à la ferme. Dans ce dernier cas, les consommateurs viennent les chercher directement.
Quelles activités/événements proposez-vous au sein des Jardins En-Chantants ?
On a un festival chaque année qui dure 3 jours. Après on a, comme dit, les restaurant éphémère dans les jardins. Les dîners ont lieu le samedi soir de mai à octobre, en plein milieu des Jardins En-chantants. Pendant ces repas on propose nos légumes de saison et des spectacles à côté.
Quel est, plus dans les détails, votre parcours personnel ?
Mon parcours est tout à fait un parcours artistique. J’étais comédien pour une compagnie française donc habitué à jouer des pièces classiques (voire Molière etc.). A un moment donné je suis parti au Burkina Faso, toujours pour faire du théâtre …à la française. C’est là que je me suis rendu compte que le théâtre n’était pas forcement la comédie française que je connaissais, il n’était pas forcement fin en soi. Au contraire, il était aussi un moyen de passer le mot, de transmettre des valeurs, de défendre ses droits. Je me suis demandé « Pourquoi finalement je fais du théâtre ? Pour des bonnes raisons ou pour mon ego ? ».
A ce moment-là, je me suis dit « Je vais arrêter le théâtre jusqu’à ce que je ressente l’humanité que j’ai ressentie au Burkina Faso ». J’ai alors commencé à faire de la musique.
Aujourd’hui je joue du piano. Mon premier album solo, qui vient de sortir, s’appelle « Paysan et fier de l’être ». Vous pouvez le retrouver sur Spotify ou l’acheter aussi directement à la fin de l’un de mes concerts. Plus précisément je viens de publier mon deuxième clip aujourd’hui !
Mes concerts ont lieu surtout dans des salles de musique mais ce qui me plait aussi beaucoup c’est de jouer dans des églises ou dans des fermes par exemple. Artistiquement, en plein air c’est plus difficile que dans une salle, mais l’ambiance est très fascinante.
L’album « Paysan et Fier de l’être » parle aussi bien du monde agricole qui est aujourd’hui une partie très importante de ma vie, que de mon expérience en général. J’essaye à travers la musique de transmettre ma passion pour ce que je fais. Il s’agit de mon premier solo donc il est forcément lié à ma vie.
Quels sont les principaux objectifs de votre projet ? Pourriez-vous nous en dire plus sur votre campagne de financement participatif ? Comment est-il possible de contribuer ?
Le financement va servir principalement pour terminer les travaux. La campagne qu’on fait c’est pour finir la cuisine. Si on arrive un peu plus loin, j’aimerais aussi améliorer les questions liées à l’accueil des gens dans les Jardins, pour les spectacles.
Pour participer il suffit d’aller sur la page BlueBees dédiée au projet des Jardins En-chantants et de cliquer sur participer. Sur cette page vous pourrez trouver aussi plus de détails concernant le projet.
Il n’est pas nécessaire de donner des montants très élevées. Au contraire, il suffit de contribuer dans la mesure de ses possibilités, d’apporter sa pierre à l’édifice. Peu importe qu’il s’agisse d’un galet, d’un caillou ou d’un gros rocher. Ce qui reste le plus importante est votre volonté, la volonté de faire quelque chose pour la planète, quelque chose de concret, quelque chose de beau, quelque chose de petit mais qui peut être très important.
Comme on dit souvent, quand on ne sait pas comment faire quelque chose, il suffit de commencer.
Généralement dans notre restaurant on est 50 ou 90 personnes. Dès le départ du projet, il y a toujours eu une chose sur laquelle je n’avais aucun doute : l’art et l’agriculture n’étaient pas forcement deux mondes détachées, tout le contraire.
Je voulais montrer que c’était possible d’être artiste et être au même temps ancré dans la réalité. Le maraîchage m’a aidé à m’ancrer dans ma réalité.
Quand j’étais comédien, j’étais très égocentrique. Avec le projet des Jardins En-chantants je voulais vraiment démontrer qu’on pouvait sauvegarder la planète, en commençant par l’action. Je me suis dit que en mélangeant mon côté artistique avec l’agriculture j’aurai vraiment pu changer les choses. Si tu veux, moi en tant qu’artiste j’ai rencontré les mêmes choses qu’en tant de jeune agriculteur. Aujourd’hui on a tout et du coup on n’a rien. J’ai l’impression que la plupart des gens ont envie de découvrir, de faire, d’expérimenter.