Zone-AH!

Entretien avec Bruno Vitasse de Zone-AH!, association promotrice du concours de Design ZéBU : pour une filière brassicole zéro déchet

Bonjour Bruno, pourriez-vous décrire en quelques mots Zone-AH! ? Quand et comment avez-vous lancé ce projet ?

Notre association s’appelle Zone-AH!. Dès le départ à sa création en 2014, l’objectif était d’installer une plateforme de type Agri Hub (d’où AH). Cela reste un de nos objectifs aujourd’hui. Cette plateforme doit permettre de réaliser au même endroit un espace de travail, d’expérimentation et d’animation. Il s’agit vraiment d’une plateforme hybride, de type Tiers Lieux. Le mot « zone » a été ajouté à AH! au début comme une boutade, pour parler du virus de l’agriculture urbaine et sa diffusion alors qu’elle était encore confidentielle. Et il se trouve que la terminologie Zone Ah existe en terme urbanistique dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). Il s’agit de zones agricoles en milieux urbains. Plutôt approprié, avec le comble du hasard.

Notre volonté de départ était de créer un support au développement de l’agriculture urbaine, et rapidement les logiques d’usage nous ont amené à parler de métabolisme urbain, avec des activités en lien avec la valorisation des déchets urbains et des biodéchets en particulier, au centre de l’écosystème en construction, entièrement versé sur l’économie circulaire et le zéro déchet.

Agriculture urbaine hybride et collaborative. De quoi s’agit-il précisément ?

Aujourd’hui nous n’utilisons plus cette « base line », associée depuis l’origine à Zone-AH!. A présent nous parlons de fabriquer (ensemble) une ville soutenable.

L’agriculture urbaine, hybride et collaborative reste dans nos gènes. Elle est l’un des moyens utilisés pour la réalisation de cette ville soutenable et écologique. Nous travaillons sur des projets collaboratifs en ville, en communauté et pour la communauté.

Comment se compose-t-elle votre communauté d’entrepreneurs urbains ?

A l’intérieur de notre association, nous comptons des structures membres ou des porteurs de projets membres à titre individuel. Nous pouvons citer par exemple:

Et d’autres, tous liés au domaine de l’environnement, de l’écologie, de l’agriculture urbaine, etc. La collaboration est très importante. Il y a un fort besoin de développement associatif, collaboratif, de se mettre ensemble pour créer un monde meilleur.

Quels sont vos principaux projets actifs en ce moment ? Y-a-il quelques projets que vous aimez plus dont vous voudriez nous parler ?

Comme toujours, nous avons plein d’idées !

C’est justement pour pouvoir en réaliser quelques-unes que nous avons lancé un concours de design dans le cadre du projet ZéBU, l’écosystème des brasseries urbaines. Projet que je porte pour Zone-AH! depuis la fin de 2014.  Nous essayons actuellement de le financer à travers une campagne de crowdfunding qui court jusqu’au 4 mars.

Un autre de nos projets parmi les principaux, consiste au développement du processus Tiers-jardin. Au delà d’une simple approche des jardins urbains (partagés, collectifs, en entreprise…), il s’agit d’une méthodologie collaborative issue d’une démarche de la communauté des Tiers Lieux Libres et Opensource francophone (TiLiOs) initiée en 2015, que Zone-AH! a finalisé en 2017 en la présentant à la Biennale Internationale du Design de Saint-Etienne, sur la thématique des mutations du travail. Elle consiste à réintroduire selon une approche collaborative inspirée de la méthodologie Tiers Lieux (voir le wiki movilab.org) les notions de biodiversité, agriculture, alimentation durable et gestion des déchets dans nos espaces de vie, de travail, dans les espaces publics qui deviennent des espaces partagés hybrides, dédiés à l’expérimentation d’une ville comestible.

Les tiers-jardins sont une typologie de tiers-lieux, un concept ouvert d’espaces à la fois dédiés à l’agriculture urbaine, au travail, à la collaboration et à la détente. Ils permettent de remettre l’humain dans la notion de paysage, de revaloriser des lieux de vie qui sont pensés comme non vivants. Ce sont des lieux de mixité totale à la fois sociale et écologique.

Actuellement nous cherchons à financer le développement de certains prototypes dans ce cadre, constituant des briques du Tiers-jardin (comme un phyto-épurateur modulaire pour gérer les eaux usées) et de les connecter entre eux en générant des données pour les Communs.

Nous démarrons depuis septembre une activité autour de la fabrication de mobiliers en upcycling (sur-cyclage, ou récupération de matériaux devant devenir des déchets pour leur donner une nouvelle vie dans d’autres usages) pour la gestion des déchets en entreprises, collectivités ou espaces publics avec Love Your Waste, une autre de nos structures membres : tables de tri en matériaux récupérés, puis des gâchipains et des bornes d’apport volontaire pour les biodéchets. D’ailleurs, une troisième personne nous rejoint sur cette activité en plein développement, pour assurer les commandes en cours et pour une approche de design et qualité sur le travail réalisé.

Nous allons rechercher des financements pour améliorer nos conditions de travail actuellement très sommaires et tournées sur la débrouille (Do It Yourself), pour à terme pouvoir faire de cet espace un atelier partagé à  notre communauté et aux habitants du coin. Ça se passe dans le quartier Sud d’Alfortville dans le 94, où nous expérimentons depuis un an à présent. L’année passée nous y avons prototypé la future plateforme ZéBU pour le séchage et la valorisation des drêches de brasseries. C’est ce qu’on appelle « faire Tiers Lieux » dans le jargon de la communauté TiLiOs.

Pourriez-vous nous en dire plus sur votre campagne de crowfunding en cours ? Comment ça marche ? A quoi va servir la collecte ? Vous nous disiez qu’il s’agit de financer un concours de design…

Nous voulons financer le premier concours national de design visant à réduire et valoriser les déchets de la filière brassicole (brasseries), que nous avons officiellement lancé le 30 janvier, aux Canaux, Maison des économies solidaires et innovantes dans le 19e à Paris. Ce concours est destiné aux étudiants !

A l’occasion d’une étude réalisée en 2015 par l’agence AEFEL (encore un membre de Zone-AH!) dans le cadre du projet ZéBU, nous avons pu nous rendre compte qu’une grande diversité de déchets organiques et non organiques sortaient des brasseries. Ainsi, pour 14 000 hl de bière brassés en 2015 par 16 brasseries franciliennes, nous avons recensé plus d’1 million de bouteilles de 33cl utilisées, plus de 7 000 m3 d’eau consommés, ou encore 11 000 sacs de malt (en plastique) à recycler.

L’enjeu pour nous est de former les jeunes générations à la logique de l’économie circulaire, du zéro déchet ou du « cradle to cradle » comme on dit en anglais, dans un monde vendu au consumérisme et au culte de l’objet marketé, bien souvent à usage unique, non réparable, qui aura nécessité la production d’une certaine quantité de déchets pour le produire, avant lui-même de devenir un déchet.

A travers ce concours, ce qui sera fait pour la filière brassicole sera transposable, réplicable dans plein d’autres filières.

Il y a trois palier principaux à atteindre : 

  • Au minimum nous devons atteindre l’objectif de 7 200 € (1er palier) pour pouvoir assurer le concours sur la 1ère des 5 thématiques que nous cherchons à financer : valorisation des drêches de brasserie en biomatériaux (matériaux biosourcés pour la construction et la fabrication d’objets ou mobiliers).
  • En atteignant la somme de 14 960 € (2e palier), nous pourrons intégrer au concours une 2e thématique d’étude : prévention en amont de la fabrication de bière à travers un processus de production.
  • Et si nous parvenons à l’objectif de 23 350 € (3e et dernier palier), alors nous pourrons bénéficier d’un concours autour des 5 axes que nous avons imaginés en ajoutant les 3e, 4e et 5e thématiques manquantes, respectivement : upcycling des déchets de logistiques inévitables, prévention en aval à travers un comportement usager, et valorisation alimentaire des drêches par le design culinaire (alimentation humaine ou animale).

Pour tou.te.s celles et ceux qui souhaiteraient nous soutenir, il suffit d’aller sur la page Kisskissbankbank pour en savoir plus et contribuer : Concours de design Zébu pour une Filière brassicole Zero Déchet

Combien êtes-vous à travailler chez Zone-AH! ? Qu’est-ce que vous aimez spécialement dans votre métier ?

Aujourd’hui nous sommes plusieurs membres actifs, mais nous sommes deux plus particulièrement à intervenir (bénévolement encore à ce jour) sur l’administratif, la comptabilité et le développement de projet. Une troisième personne intervient sur les préparatifs du projet économique pour une filière de valorisation des drêches de brasseries à Paris, et une quatrième nous rejoint comme évoqué en soutien au lancement de l’activité upcycling et mobiliers de gestion des déchets.

En ce qui me concerne, ingénieur agricole à la base (2001) et journaliste web pendant 5 ans pour le Groupe France Agricole, j’essaye de lâcher petit à petit le portage du projet ZéBU pour n’en plus garder que la partie recherche et développement en mode agile, afin de me consacrer à l’évolution statutaire de Zone-AH! qui a vocation à devenir une entreprise de l’économie sociale et solidaire similaire dans son fonctionnement à une coopérative mutualisant des services, des compétences et aussi du matériel ! Je m’occupe aussi côté projet du développement de nos prestations Tiers-jardin que je vous ai présenté auparavant.

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